Les éditions du Cabestan présentent:
Thierry LAFOSSE, les livres...
LeTelex,2017.
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Le Telex, lundi 27 février 2017
Thierry LAFOSSE, retour aux sources !
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Rencontre avec notre ami Thierry, à l’occasion de son retour sur la Cap pour la réfection de sa maison , là-bas vers le Raz ! Nous avons ensemble décidé d’adopter même pour mes articles ce tutoiement que nous utilisons depuis maintenant 18 ans, à l’époque où je l’ai rencontré pour la première fois à l’occasion de la sortie de « Tévennec », ce livre insolite qui nous a tous fait rêver sur le Cap Sizun en 1999 !
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Y.S. : Bonjour Thierry ! Ravie de te revoir parmi nous, après cette longue absence. Comment trouves-tu ta maison ?
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T.L. : Superbe ! Ils ont vraiment bien travaillé. Nous hésitons même à la relouer tellement nous nous y sommes sentis en paix et en plein confort (enfin !). Tant de souvenirs nous y attendaient…Les décorateurs surtout ont créé un climat exceptionnel pour ces volumes !
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Y.S. : La question qui me vient évidemment de suite, c’est autour de tes projets en écriture. Je sais que ton activité musicale est assez chargée, malgré la cession de ton label en 2015?
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T.L. : N’exagérons rien ! Je suis actuellement c’est vrai sous contrat en orchestre. Nous avons tout un catalogue à remanier, et les enregistrements sont prévus sur une durée de trois ans. Cela m’oblige à passer de l’autre côté des Alpes au moins une fois par mois pour une semaine. Mais la revente de ma société de production me laisse maintenant plus de temps pour me consacrer exclusivement à mon métier de pianiste. Et c’est infiniment bon, même si je ne regrette pas les belles années que nous avons vécues ensemble avec l’équipe d’A2X , et suis très fier du travail que nous avons fait tous à Paris et que continuent aujourd’hui avec talent mes anciens associés et amis Nathalie et Franck! Quant au livre, désolé de n’avoir aucun projet à annoncer dans l’immédiat.
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Y.S. : Plus assez de temps, ou plus d’envie ?
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T.L. : Un peu les deux. Je devrais avoir beaucoup plus de temps, mais par la force des choses, j’ai été obligé de me transformer aussi en gestionnaire, et cela se rajoute très sensiblement à mon temps de travail au clavier. L’envie n’est plus au rendez-vous non plus, pas plus que l’inspiration pour l’instant, je le crains. Mais sans doute suffirait-il de s’y remettre… Je me dis que je vais m’y consacrer quand je prendrai ma retraite, si un jour j’ai le temps de la prendre au train où va ma vie. Et c’est tant mieux !
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Y.S. : On annonce sur tes pages Thierry LAFOSSE, les livres des ruptures de stock pour 4 de tes livres, et des rééditions actives pour deux d’entre eux. Sur quels critères cette décision a-t-elle été prise ?
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T.L. : J’ai déjà dit je pense que l’écriture n’a été qu’une expérience pour moi, et encore, comme tu l’as fait remarquer dans ton précédent article, je ne me serai volontiers limité qu’à un tirage de dix exemplaires, si en 1999 on avait eu les moyens de flasher des couvertures pour si peu…Il s’agissait de se faire plaisir surtout. La suite, tu la connais, grâce à toi et tous ceux qui m’ont fait l’amitié de me lire. Alors, je me suis appliqué. Mais je ne reste toujours qu’un « écrivain d’occasion » et le revendique. Tant mieux si j’ai pu distraire quelques lecteurs. Mon métier est la musique.
Quant aux tirages, 1000 exemplaires pour chaque, il m’a semblé plus judicieux de ne pas rééditer alors que je peux pour le même prix écrire un nouveau livre. En son temps. Exception faite des deux premiers, qui ont été bien accueillis par les gens d’ici, sans doute parce qu’ils racontent deux histoires dans leurs pays, et qu’ils se sont vendus plus vite que prévus. Je le dois sûrement à tes articles trop élogieux !
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Y.S. : Ton dernier roman remonte à 2012. Si je devais faire une synthèse de toutes ces belles histoires, souvent dramatiques, et trouver un point commun entre tous ces personnages atypiques, au caractère trempé, c’est la foi immense qu’ils ont tous chevillée au corps. Comme s’ils n’étaient pas d’ici. Mais tellement vrais et ne faisant qu’un avec la nature qui les entoure. Et l’absolue réalisation de leur passion, jusqu’au bout.
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T.L. : Sans aucun doute. Je ne peux pas imaginer d’autres personnages. Ils sont beaux dans leur échecs, leurs tentatives pour échapper à leurs destins. Et puis la résilience. Souvent la mort. Parce qu’elle n’est que passage vers l’esprit, le bon, le beau et le vrai. La vie si belle soit elle ne serait-elle pas une sinistre farce si nous n’avions pas cet espoir et cette foi profonde dans nos tout petits parcours d’hommes ?
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Y.S.: On attend ton prochain livre avec impatience! Je serai là! En attendant j'aurai eu au moins le plaisir de t'initier à la glisse en notre belle baie d'Audierne, et tu repars avec une beau char tout léger fait pour toi sur mesures!
Bon vent, et à très bientôt. Tu es ici chez toi!
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Thierry, la première rencontre.
Après sa visite sur le Cap il y a quinze jours pour admirer la restauration de sa maison , je prépare un article qui sort sur Le Telex/Télégramme la semaine prochaine. J’en profite pour revenir avec plaisir sur l’étrange coïncidence qui m’a fait rencontrer Thierry pour la première fois. Il est devenu un de mes meilleurs amis. Il y a 18 ans de cela...
Yanne
Septembre 1999. Une journée maussade sur le Cap. Je viens de rentrer chez Ar Vro sur les quais, autant pour me réfugier de l’averse que pour faire un tour d’horizon sur les dernières parutions. Chez lui, on trouve de tout, même des premiers bouquins d’auteur. Il aime ça. Moi aussi. Et après quelques tours de piste, je tombe sur un pile fraîchement déposée dans un coin d’où ressort une belle esquisse de notre Tévennec, le maudit du raz de Sein! Ici, on y est très sensible. Bien vu pour l’accroche. Je retourne le petit bouquin, fait de toute pièce à compte d’auteur, lit l’épilogue au dos, et j’achète. Pour mon journal. Et pour moi, par curiosité. Qui a eu l’idée d’écrire un roman autour de ce caillou infernal avec son phare dessus?
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Le lendemain, j’ai tout lu. Je connais l’histoire d’amour tragique de Naïk et de Ronan, et j’ai franchement adoré. Je fais ma petite enquête. Celle qui a déposé la pile dans les magasins du coin s’appelle Nicole Normant, de Bigorn en Plogoff. Je saute dans ma voiture et file vers le Raz. Et je fais connaissance avec Nicole et Henri. Adorables. En l’absence de Thierry, elle réapprovisionne les librairies et supermarchés du coin. Car le livre s’est bien vendu depuis sa sortie cet été! Je pense déjà à quelques lignes dans mon journal. En 1999, j’ai juste que deux ans de boite, et je ne dois pas me planter. Il faut d’abord que je rencontre l’auteur.
J’apprends que Thierry et son épouse Isabelle ont acheté les deux maisons natales de la famille Normant à Pors Loubous, Penneac’h, il y a déjà 6 ans, et qu’ils viennent d’avoir un petit garçon. Nos sympathiques capistes les considèrent déjà comme de la famille. Cela commence plutôt bien. Je me rends impasse Duguay Trouin sur la falaise, mais je trouve évidemment maison close. L’été est fini, ils sont déjà repartis. Il va falloir que j’attende la Toussaint avant de les rencontrer. Car Nicole m’a dit qu’ils revenaient.
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Et ils revinrent. Et l’aventure commença!
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Une matinée claire d’octobre sur le Cap. Avec un goût d’iode et de sel dans la bouche. Le ressac en bas des falaises. Je fais le pied de grue devant le garage au fond de l’impasse. Hypnotisée par le vert d’une carriole de jardin fraîchement repeinte. Toqué à la véranda.Personne. Le pen ty à coté de la grande maison est en pleine restauration. le propriétaire est en train de refaire tous les joints de façade à sable et chaux. Des outils et des sacs de chaux jonchent le jardin.Une moto arrive, le casque au guidon. Je fais connaissance avec Thierry, qui revient de pors Enn chercher du poisson. J’ai vaguement l’impression que je dérange et qu’il a prévu mille autres choses à faire dans sa journée. Il ne se gêne pas pour me le faire comprendre.Mais les caractères forts, on aime bien ici. J’insiste. Je m’attends presque à être virée, mais le mot magique de Tévennec fait son effet. Il me regarde, puis rit franchement. Il m’explique alors l’histoire. Nous nous asseyons sur le bord du muret de pierre, face au menez. Une voiture arrive. Je fais connaissance avec Isabelle et son petit Ronan qui revient des courses à Primelin, et des chiens. Le petit Ronan mesure aujourd’hui pas loin du mètre 90! Et il se met à parler. Insouciant et heureux...Une idée qui lui est venue l’année dernière alors qu’il commençait à attaquer son pignon au burin et à la truelle. Tous les deux avaient toutes les vacances scolaires, puisque j’appris qu’il était musicien et enseignant, et qu’elle était orthophoniste. Alors qu’ils arpentaient tous les sentiers du secteur à pied avec les chiens, bébé au dos, ou lui seul au guidon de son vieux trail, le phare érigé désespérément au milieu du raz de Sein lui avait inspiré une histoire. Et il s’était mis à taper quelques pages sur son powerbook, puis tout était venu. Et en mars, il avait contacté un imprimeur du côté du Mans, qui lui avait fait un mille pour pas trop cher. Il avait voulu tout faire lui-même, depuis la maquette sur Mac via Illustrator, la mise en page, les corrections, laissant évidemment passer quelques coquilles de ponctuation sur plus de 130 pages, jusqu’à l’esquisse au fusain par son père, flashé pour la couverture et donnant ma foi à l’ensemble cet aspect insolite qui plait quand on voit le bouquin pour la première fois. Et ses premiers lecteurs furent Nicole et Henri, qui emballés, lui firent une pub d’enfer et se proposèrent pour aller inonder les magasins et librairies d’Audierne et Pont l’Abbé, surtout pendant son absence, car ils croyaient dur comme fer au renouvellement des stocks!
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Lui n’y croyait pas du tout. Je commençais seulement à cerner cet être atypique et forcément séduisant, qui marchait complètement au feeling et à la foi et se foutait éperdument de ce que pouvait penser autrui. Pour lui, ce bouquin, il s’était mis dans la tête de le réaliser, pour se faire plaisir, et faire plaisir à sa femme. Point. Comme sa carrière musicale. Il avait quitté l’enseignement, il avait enregistré déjà quelques albums, et était un peu introduit dans le milieu de la musique de pub. Il voulait lancer sa propre production l’année prochaine. Parce qu’il en avait très envie. On verrait bien. On connait la suite!
Il m’avait avoué à l’époque être très embarrassé, car on imprimait pas encore à moins de 500 ou 1000. Lui aurait bien fait éditer à 10! Et les cartons de livres s’étaient retrouvés stockés sous les toits. Au début, les magasins prudents ne prenaient que des séries de 10. Pour voir. Et les gens accrochèrent. Tévennec, porte de l'enfer (ISBN 2-9514275-0-6)
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Il n’en était pas revenu quand près deux cents exemplaires étaient déjà partis à la fin de l’été. Le mille fut sold out en novembre 2000. Il avait été distribué jusqu’à Douarnenez et Quimper, mais ne trouva jamais une meilleure audience que sur le Cap. Il avait été évidemment heureux que je lui propose mes quelques lignes dans le journal, qui lui valurent je crois l’intérêt que la SNPB, entendez la Société Nationale des Phares et Balises, porta à son premier livre, et mirent le livre en vente dans leur propre boutique en ligne. Mais il refusa tout net d’en écrire un autre quand fin 2000, je le lui proposai . Puis j’eus la surprise de trouver une maquette en janvier 2001 sur ma boite mail, alors que déjà les premiers exemplaires de celui qui reste à mon avis son meilleur roman circulaient déjà sur le Cap. Celui qui s'était arrêté...(ISBN 2-9514275-2-2)
Ce dernier vécut sur la lancée du premier et se vendit aussi bien, surtout cette fois dans le pays bigouden où se noue l’intrigue. Même s’il ne reçut pas l’accueil du premier, car moins facile à lire, plus intimiste et profond. On dit que le premier roman est souvent autobiographique. Je dis que le second de ses romans est celui qui lui ressemble le plus, même si l’évidence du personnage de Ronan Lestren dans “Tévennec” lui colle à la peau. Thierry, c’est vraiment le Wann de “Celui qui s’était arrêté...” ou le Pierre de “Flatterie ordinaire”. Et c’est comme ça qu’on l’aime! La création de son nouveau label à Paris lui laissant encore pas mal de temps libre, il écrit encore Remords (isbn 2-9514275-3-0), Le Naufragé (ISBN 2-9514275-4-9), Ys (ISBN 2-9514275-6-5), Flatterie Ordinaire (ISBN 2-9514275-5-7) et enfin Suspends ta vie. Il arrête d’écrire en 2011. Pas de nouvelles parutions en vue, après notre entrevue du mois dernier. Mais je ne le lâcherai pas, et il le sait!
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Voilà. Que dire de l’homme? Je l’ai suivi fidèlement pendant ces années, et il sait que je serai toujours à ses côtés. Il a le même caractère de cochon que moi, mais c’est l’être le plus sensible et droit que j’ai connu. Sans compromis. Son fils lui ressemble. Sa femme Isabelle était ma meilleure amie. Je la regrette beaucoup! Il me dit qu'elle veille sur eux deux, de là-haut...
Je sais écrire, c’est un peu ma spécialité, lui m’a toujours dit qu’il était musicien, et qu’il écrivait seulement pour son plaisir. Et si ça nous faisait plaisir, à nous aussi, sale égoïste! Il m’a promis qu’il y repenserait quand il prendrait sa retraite. Mais il n’a pas l’air pressé de la prendre! Ma plus grande fierté est de l’avoir cette année initié à la glisse en char.
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File comme le vent, Thierry!
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Yanne
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à suivre...
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Yanne Scorff